Roumanie : Călin Georgescu exclu de la présidentielle
En Roumanie, la commission électorale a rejeté la candidature du populiste d'extrême droite Călin Georgescu aux élections présidentielles qui devront avoir lieu le 4 mai. Georgescu entend faire appel de cette décision. Après sa victoire au premier tour de l'élection présidentielle en novembre, à la surprise générale, le scrutin avait été annulé par la Cour constitutionnelle en raison de soupçons d'ingérence russe. Les commentateurs font le point sur la situation.
De l'eau au moulin des mécontents
Le service roumain de Deutsche Welle craint que l'exclusion de Georgescu de la course n'exacerbe encore l'extrémisme dans le pays :
«Si la justice avait fait son travail en temps voulu, Georgescu n'aurait pas pu se présenter et l'autorité électorale n'aurait pas eu besoin d'inventer des raisons de l'écarter du scrutin. ... Invalider sa candidature l'érige en héros de la lutte contre les arcanes de la bureaucratie, le pose en victime des politiques traditionnels qui tremblent de se mesurer à lui. A qui profite cette candidature rejetée ? Au prochain extrémiste qui entrera dans la danse, et qui fera ses choux gras du mécontentement et de la révolte des sympathisants de Georgescu.»
Des problèmes tenaces
Süddeutsche Zeitung pointe les effets pervers de l'exclusion de Georgescu :
«La chronologie des évènements a exacerbé la méfiance, tous camps politiques confondus. Les sondages indiquent même que les enquêtes ont amélioré encore la cote de popularité de Georgescu. La campagne populiste qu'il a menée sur Tiktok, avec une ingérence étrangère flagrante, a su faire vibrer une corde sensible chez ceux, et ils sont nombreux, qui ne croient plus aux grands partis établis. Beaucoup de Roumains estiment en effet que le parti post-communiste PSD et le parti national-libéral PNL ont mis le grappin sur l'Etat et ses organes. Donc même si le péril Georgescu était proscrit, les problèmes qui ont favorisé sa subite ascension sont loin d'avoir disparu.»
Etats-Unis et Russie, même combat
Les Etats-Unis cherchent eux aussi à déstabiliser la Roumanie, juge Krónika :
«Georgescu, qui avait remporté le premier tour de la présidentielle roumaine ex nihilo, et qui s'est vu reprocher d'avoir bénéficié à plusieurs reprises de l'aide russe, est désormais aussi soutenu par le nouveau vice-président des Etats-Unis, J.D. Vance et le conseiller personnel du président, Elon Musk. Un scénario terrible et incroyable : les Etats-Unis et la Russie dans le même camp en Roumanie, celui de Georgescu et du parti [d'extrême droite] AUR. ... Dès lors, on peut craindre que les nouveaux maîtres de Washington retirent subitement leur bouclier protecteur, mais qu'ils cherchent en outre à exploiter la moindre opportunité de déstabilisation.»
Un adversaire de la Constitution actuelle
Le blog de Spotmedia explique pourquoi Georgescu est une menace pour la démocratie en Roumanie :
«Non seulement eu égard à ses déclarations plus que contestables sur le système démocratique et l'Etat de droit. Monsieur Georgescu a par ailleurs déjà évoqué des desseins outrepassant largement les prérogatives du président et ne pouvant être mis à exécution que par le biais de mesures anticonstitutionnelles. Pour ce qui est du multipartisme, son projet est tout bonnement de dissoudre les autres partis. Bien que la Roumanie soit censée respecter les traités qu'elle a signés, ainsi que le prévoit la Constitution, il déclare vouloir annexer une partie de l'Ukraine. ... Et comment ne pas mentionner l'enquête judiciaire qui le vise ? Il est accusé d'avoir porté atteinte à l'ordre constitutionnel.»
Georgescu joue sa dernière carte
Les protestations de masse pourraient tout faire basculer, fait valoir Carmen Dumitrescu sur republica.ro :
«Manifestement, la mission de Georgescu ne consiste plus à se présenter aux élections, mais à faire régner le désordre social. ... Hypothèse confirmée par les chaînes de télévision qui lui sont favorables et qui appellent la population à descendre dans la rue, en scandant qu'il s'agit de 'la dernière chance'. ... Il ne fait pas de doute que Georgescu joue sa dernière carte. Car la réaction du peuple roumain face aux événements est décisive. N'oublions pas que ces individus croient dur comme fer que Călin Georgescu incarne l'espoir de la Roumanie. Ni les éléments de preuve, ni les enregistrements, ni les enquêtes pénales ne leur en feront démordre. Et Călin Georgescu compte désormais sur cette masse de manœuvre pour faire bouger les choses.»
Un pays très stratégique pour la Russie
Bucarest doit se protéger contre Moscou, met en garde La Stampa :
«Il n'est pas vraiment surprenant que la Russie lorgne sur la Roumanie : ayant une frontière de 650 kilomètres avec l'Ukraine, elle est considérée par les alliés occidentaux comme un pays stratégique, dans lequel trois bases militaires de l'OTAN et environ 5 000 soldats peuvent être déployés pour des opérations communes de défense. La Roumanie est également une voie de transit importante pour des millions de tonnes de céréales ukrainiennes et accueille 170 000 réfugiés de guerre. Depuis le début de la guerre en Ukraine, Bucarest est devenu l'un des principaux partenaires de sécurité de Kyiv. ... Un candidat comme Georgescu, qui se positionne ouvertement contre l'OTAN, et notamment contre les aides militaires à l'Ukraine, est le parfait cheval de Troie pour le Kremlin.»