Podemos mobilise les masses en Espagne
Plus de 100.000 partisans du parti de gauche Podemos ont participé samedi à Madrid à une "marche pour le changement", afin de dénoncer l'austérité. Si certains commentateurs sont optimistes et estiment que Syriza et Podemos ont le pouvoir de transformer l'indignation en politique constructive, d'autres redoutent une montée en puissance des partis d'extrême gauche.
La voix politique de l'indignation
Podemos et Syriza confèrent une voix politique à l'indignation, écrit le philosophe Josep Ramoneda dans le quotidien de centre-gauche El País : "Ce ne sont pas des mouvements qui remettent en cause le système. Nous ne sommes pas sur le point d'assister à une révolution. C'est l'expression d'une forme de saturation et d'un rejet des partis sclérosés et d'une démocratie minée par la promiscuité avec le pouvoir et l'argent. … La singularité de Podemos, c'est que le parti a osé transformer l'indignation en option politique et dire : 'Nous l'emporterons !' Pour les dirigeants, c'est inacceptable. La démocratie n'est pas menacée par les partis émergents, mais par le refus des partis traditionnels à céder le pouvoir et à faire de la place dans l'arène politique. Avec le maintien du système bipartite, de moins en moins de citoyens se sentiront représentés dans la démocratie."
Podemos et Syriza, l'amorce d'un changement
Les mouvements en Grèce et en Espagne n'ont malheureusement eu aucune influence sur le cap du gouvernement français jusque-là, déplore le quotidien communiste L'Humanité à l'issue de la grande mobilisation des partisans de Podemos en Espagne : "La dégringolade sociale pour programme ! Ni la victoire de Syriza en Grèce ni l'ampleur de la marche pour le changement, organisée samedi par Podemos en Espagne, ne font transiger le gouvernement sur ses choix économiques. Oui, tout peut basculer. Mais depuis l'élection de Syriza, il n'est pas écrit que le virage se prenne à droite. Une semaine après la victoire du parti anti-austérité en Grèce, le peuple antilibéral est au rendez-vous en Espagne. Ces mouvements, rassemblements des humiliés, des appauvris, des révoltés, des solidaires, participent du renouvellement des pratiques démocratiques. Ils prouvent que la voix des peuples peut s'imposer dans le débat politique. Le grain de sable est dans la machine européenne."
Un discours positif
La mobilisation de samedi a clairement montré que le parti Podemos était plus qu'un simple mouvement protestataire, estime le quotidien libéral Jutarnji List : "Le leader de la formation, Pablo Iglesias, a mieux compris qu'Alexis Tsipras qu'on ne pouvait pas dire non à toutes les propositions. Ce que n'a pas compris non plus le mouvement 'Occupy Wall Street'. 'Nous avons été vaincus parce que nous avons été capables de dire non, mais pas de dire pourquoi', résume l'auteure culte Naomi Klein. Podemos a su apprendre de ces erreurs ; on le voit à sa propension à dire 'oui' ou 'oui, nous y arriverons'. Ce mouvement est certainement populiste, et bien entendu, le populisme de gauche peut aussi aboutir au populisme de droite. Il s'agit cependant ici de l'expression d'un mécontentement authentique qui ne touche pas seulement quelques générations, mais un peuple entier. Podemos est né d'un mouvement venu d'en bas, et ce vent balaye maintenant tout le sud de l'UE. Les choses deviennent intéressantes."
Syriza, un danger pour l'Espagne, le Portugal et l'Irlande
Dans le journal dominical de centre-gauche Vasárnapi Hírek, le journaliste Endre Aczél redoute une montée en puissance des forces d'extrême gauche après la victoire électorale de Syriza et la démonstration de force des partisans de Podemos en Espagne : "Après la victoire électorale de Syriza, l'avancée de Podemos en Espagne paraît inexorable. Les deux formations appartiennent à la gauche radicale ; toutes deux sont populistes, hostiles aux élites et basent leur politique sur un principe : le citoyen lambda n'a pas à payer pour les erreurs commises par les partis traditionnels et l'establishment politique. … Le problème, c'est que la victoire de Syriza génère une grande force d'attraction. … Des élections auront bientôt lieu en Espagne, au Portugal et en Irlande. Il est à craindre que des forces populistes de gauche arrivent aussi au pouvoir dans ces pays".