Manifestations en Roumanie : Victor Ponta démissionne
Le Premier ministre roumain Victor Ponta et son cabinet ont démissionné mercredi. La veille, plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient défilé dans les rues pour protester contre la corruption, à l'origine selon elles de l'incendie tragique survenu dans une discothèque de Bucarest le week-end dernier. Certains commentateurs se réjouissent de ce sursaut démocratique. D'autres, plus résignés, estiment que le départ de Ponta ne changera rien.
Un accès de colère salutaire pour la démocratie
Le mouvement de protestation populaire auquel on assiste en Roumanie est une bonne chose pour le développement démocratique du pays, se réjouit le quotidien conservateur La Vanguardia : "Cet épisode est la confirmation d'un schéma spécifique à la Roumanie : l'apparente résignation populaire se fissure et explose tel un volcan quand le peuple en a assez et décide de descendre dans les rues. Depuis la chute de Nicolae Ceausescu en 1989 - l'unique dirigeant communiste européen fusillé - l'histoire de la Roumanie s'écrit dans les rues. Dans le cas présent, la société roumaine a exprimé son indignation et son rejet de la corruption. C'est une réaction similaire à celle observée dans d'autres pays européens ; elle permet d'espérer que la Roumanie assimilera les meilleurs usages du continent."
Un nouveau départ demande du temps
Après la démission du gouvernement Ponta, des dizaines de milliers de manifestants sont descendus à nouveau dans les rues de Bucarest pour demander un renouveau politique. Or il ne sera pas si simple d'y parvenir, souligne le journal en ligne Gândul : "Un véritable changement nécessite du temps et de nouvelles têtes. Une valse de dirigeants du même tonneau ne suffit pas. 'Ce n'est que le début, ce n'est que le début', scandaient 25 000 personnes mardi dans les rues. Peut-être est-ce le début d'un changement qui permettra l'émergence d'une nouvelle classe politique, qui n'attendra pas d'être éclaboussée par le sang d'innocents pour songer à démissionner. … Mais le changement est lent, surtout en Roumanie. Il a besoin de coups de pouce quotidiens et doit sanctionner toute institution, tout responsable et toute décision publique qui pue la fraude ou l'irrégularité. Si tu baisses les bras, si cela ne te regarde pas, peut-être ne mourras-tu pas, mais d'autres mourront. Comme ceux qui viennent de mourir à [la discothèque] Colectiv."
Le vain combat contre la corruption
La démission du Premier ministre Victor Ponta ne changera rien, affirme le quotidien de gauche Douma, désabusé : "Des dizaines de fonctionnaires, de députés et de ministres roumains sont visés par des enquêtes. Certains ont même été arrêtés et condamnés. Mais quel est le degré d'efficacité de la lutte contre la corruption en Roumanie ? La corruption a-t-elle reculé après tous ces scandales ? La société perçoit-elle un changement ? La démission de Ponta permettra-t-elle d'assurer qu'il n'y ait plus d'incendie dorénavant dans les discothèques du pays ? C'est peu probable. … Lutter contre la corruption revient à se battre contre des moulins. Ce combat ne peut être judicieux que s'il contribue à améliorer la situation économique des citoyens. … Quand on compare la Roumanie et la Bulgarie, une conclusion s'impose : que l'on décide ou non de lutter contre la corruption, cela ne fait aucune différence au final. Car si la Roumanie a déclaré la guerre à la corruption, la Bulgarie ne fait strictement rien ; et pourtant, les Roumains ne connaissent pas plus d'amélioration que nous."