Une bombe à l'origine du crash dans le Sinaï ?
Une bombe est très probablement à l'origine du crash de l'avion russe dans le Sinaï, selon Downing Street et la Maison-Blanche. De son côté, la Russie récuse cette hypothèse. Les victimes du crash deviennent l'enjeu d'une guerre de propagande entre les deux puissances, déplorent certains commentateurs. D'autres s'interrogent sur les conséquences qu'aurait cette tragédie si l'hypothèse d'un attentat de Daech devait se confirmer.
Un terrorisme d'un autre type
S'il devait s'avérer que l'avion de ligne russe a bel et bien été détruit par une bombe au-dessus du Sinaï, il y a péril en la demeure, juge le quotidien économique libéral Hospodářské noviny : "Si les services de renseignement voient juste, ceci signifierait que Daech a franchi un cap stratégique important. Il ne s'agirait plus d'une horde de bourreaux, mais d'un groupe aux ambitions terroristes internationales. Jusqu'ici, on considérait que Daech kidnappait des personnes dans des zones en proie au chaos et auxquelles les terroristes avaient facilement accès avec leurs véhicules. L'aéroport de Charm El-Cheikh, c'est un autre ordre de grandeur. Il est bien plus difficile d'y mener une action. Il faut qu'un membre de l'organisation travaille à l'aéroport, trompe la surveillance, réussisse à introduire une bombe dans l'avion et l'amorce. C'est un terrorisme d'un autre niveau."
Un attentat qui pourrait influer sur la stratégie de Poutine en Syrie
L'explosion d'une bombe pourrait être à l'origine du crash de l'Airbus russe dans le Sinaï. Si cette hypothèse se confirmait, ceci pourrait avoir des répercussions sur l'action de Vladimir Poutine en Syrie, selon le quotidien conservateur Financial Times : "Ironie du sort : Poutine pourrait être contraint de faire vraiment ce qu'il prétend faire depuis près d'un mois maintenant : viser directement Daech en Syrie. Car un mois et plus de 1 000 frappes aériennes plus tard, Moscou a largué plus de 90 pour cent de ses bombes sur des zones où Daech n'est pas ou peu présent. Elle a préféré se focaliser sur les groupes de rebelles modérés combattant le régime de Bachar Al-Assad, parmi lesquels plusieurs sont soutenus par les Etats-Unis. Or en intervenant contre Daech, les avions de combat russe se rapprocheraient de la coalition menée par Washington. … Mais si les enquêtes officielles confirmaient l'implication de Daech, les choses pourraient évoluer rapidement."
Guerre de propagande entre Russie et Etats-Unis
La cause du crash de l'avion russe dans le Sinaï devient l'enjeu d'une guerre de propagande, déplore le quotidien catholique Avvenire : "Les victimes sont subitement devenues les otages des propagandes respectives et d'un jeu politique international sans scrupules et sans pitié. La Russie et l'Egypte, ces dernières années, ont repris des relations qui s'étaient interrompues en 1972, quand Sadate avait brusquement expulsé les 'conseillers' soviétiques. Poutine et Al-Sissi, en revanche, sont en train de développer une entente stratégique inédite. L'axe Le Caire-Moscou dérange beaucoup les Etats-Unis, car il perturbe leur liberté totale de manœuvre au Proche-Orient, que la Maison-Blanche considère comme un droit acquis et incontestable. Une chose est sûre, si l'hypothèse de l'attentat se confirme : que cela nous plaise ou non, le Kremlin n'est pas disposé actuellement à subir un tel affront sans riposter. L'unique certitude, à première vue, c'est que le dirigeant syrien Bachar Al-Assad sortira renforcé de cette nouvelle tragédie."
Crash dans le Sinaï : Daech gagnant sur toute la ligne
Qu'il se soit agi d'une bombe ou d'un problème technique, Daech a d'ores et déjà capitalisé sur le crash de l'avion russe, analyse le quotidien libéral-conservateur Neue Zürcher Zeitung : "En juillet, une bombe explosait devant le consulat italien du Caire. En août, des partisans de Daech exécutaient l'otage croate Tomislav S., kidnappé près du Caire. En septembre, des soldats égyptiens abattaient dans l'ouest du pays un groupe de voyageurs mexicains, confondus par inadvertance avec des combattants de Daech. … Juste après le crash, Daech avait revendiqué en être l'auteur - ce serait le premier attentat à la bombe sur un avion de ligne depuis celui de Lockerbie en 1988, un immense succès de propagande. Mais Daech profitera surtout de l'incertitude : dans le doute, les touristes éviteront l'Egypte, privant ainsi beaucoup de personnes de leur base de subsistance. Pas de travail et un Etat injuste et répressif : le terreau idéal de l'extrémisme."