L'Italie veut sauver les banques grâce aux aides publiques
Le Premier ministre italien Matteo Renzi affirme avoir trouvé un moyen d'assainir les banques en difficulté avec l'argent du contribuable. Le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem avait indiqué mardi qu'il était certain que Rome trouverait une issue à ce problème dans le cadre des règles de l'UE. Faut-il proscrire un sauvetage public des banques ?
Démocratiser les banques
S'il faut apporter une aide financière aux banques, il faut aussi procéder à un sauvetage éthique de ces établissements, préconise le quotidien catholique Avvenire :
«Si l'on veut réussir à soigner notre système bancaire, aux niveaux national et mondial, il faudra introduire davantage de démocratie financière au sein des banques ; une démocratie qui, du point de vue des patrons de la finance, est perçue uniquement comme un poids, un coût, un gage d'inefficacité. ... La gouvernance ordinaire des banques ne peut pas et ne doit pas être confiée aux seuls actionnaires et patrons. Il convient dès lors de pourvoir leurs conseils d'administration d'un quota non négligeable de membres désignés par les citoyens. ... Il est par ailleurs urgent de doter le conseil d'administration de chaque banque d'un comité éthique, avec des compétences réelles, qui accompagne et contrôle la gestion des affaires courantes. ... Ce n'est pas seulement notre épargne future qui en jeu - ce qui serait déjà beaucoup-, mais aussi et surtout la viabilité de nos démocraties.»
Les établissements financiers à court d'argent
La crise bancaire qui s’annonce en Europe est une conséquence tardive de la crise financière de 2008 et de la politique des faibles taux menée par la BCE, analyse le quotidien Trud :
«L’économie européenne et son système bancaire n'ont jamais résolu les problèmes à l’origine de la crise financière des années 2008 et 2009. Ils ont simplement choisi de les balayer sous le tapis. Il était pourtant clair, passé la première grosse secousse qui a ébranlé l’UE, que ces problèmes referaient surface. L’immense quantité de produits toxiques en Europe, qui dépasse vraisemblablement déjà 1 000 milliards d'euros, grève fortement le secteur bancaire européen. Ces titres toxiques, combinés aux faibles taux pratiqués par la BCE, plombent la rentabilité des banques du continent. Les établissements sont dans l’impasse : tenus d’un côté d’accroître leurs capitaux afin d’assainir leurs bilans, ils sont de l’autre côté incapables de générer l’argent qui leur permettrait de financer ces recapitalisations.»
Un sauvetage pensé sur le court-terme
Les règles européennes prévoient visiblement la possibilité d'assainir les établissements financiers avec de l'argent public si leur faillite est susceptible de provoquer une crise de grande ampleur. Or le sauvetage ponctuel de banques s'avère insuffisant, souligne Il Sole 24 Ore :
«La politique européenne, inspirée par Berlin, croyait avoir résolu le problème en créant l'Union bancaire. ... L'heure des aides publiques, auxquelles Français et Allemands ont eu recours sans discernement dans les premières années de la crise, est révolue, nous dit-on. Or les choses ne sont pas si simples. Une fois de plus, le problème n'est pas seulement celui de l'Italie. Les banques n'ont plus la possibilité d'obtenir des fonds sur les marchés afin de se restructurer, ce qui montre qu'il s'agit d'un problème systémique. Si les interventions destinées à éviter une crise systémique sont devenues indispensables aujourd'hui, il est vrai également qu'elles ne traitent pas le mal à la racine. Il faut développer des politiques conjoncturelles.»
Les fruits de l'austérité allemande
Berlin a une grande part de responsabilité dans la crise financière qui, après la Grèce, gagne à présent l’Italie et met en péril la zone euro, analyse l’économiste Jacques Sapir sur son Blog RussEurope :
«Tout se paye, un jour ou l’autre. Ayant refusé le principe de solidarité dans la zone Euro, l’Allemagne a imposé sa vision des règles ; mais elle se rend compte aujourd’hui que cette vision est intenable pour les pays de l’Europe du Sud. Elle est donc coincée entre la poursuite suicidaire d’une politique qui ne marche pas et la reconnaissance de ses erreurs passées. Ce qui rend le problème d’autant plus grave est que le poids de l’Italie est bien plus considérable que celui de la Grèce. Tout le monde comprend qu’une sortie de l’Italie de l’Euro sera l’acte de décès de la monnaie unique. La crise grecque de l’été 2015 n’a été que le hors d’œuvre ; la crise italienne sera LA crise de la zone Euro.»
Dijsselbloem n'a rien compris
Le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, rejette un programme de sauvetage bancaire. "Il appartient aux banques de régler seules leurs problèmes", a-t-il déclaré lundi à Bruxelles. Une approche erronée, déplore le quotidien La Stampa :
«Il ne s’agit pas d’un conflit entre un Nord rigoriste et un Sud laxiste et bon à rien. S’agissant des banques mais aussi du budget, c’est l’ensemble du processus décisionnel européen qui ne fonctionne pas. … Si le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem présente l’Italie comme un pays réclamant des dérogations pour faire des cadeaux aux banquiers aux dépens du contribuable, eh bien il n’a absolument rien compris. … Une réglementation, en tant que telle, c'est une garantie. Le problème, c’est qu’en cas d’évènements imprévus, elle s’avère insuffisante, voire susceptible de produire un résultat opposé à l’effet escompté. … Les règles relatives à la liquidation des banques ainsi que le pacte de stabilité se basaient sur la prévision d’un retour rapide à la croissance. Or cela ne s’est pas produit.»
La BCE a échoué en Italie
Si les règles de l'Union bancaire devaient être bafouées dans le cadre d'une recapitalisation des banques italiennes, la BCE devra en répondre directement, écrit Der Kurier :
«La Banque centrale européenne (BCE) est compétente aussi bien en matière de politique monétaire qu'au plan de la supervision bancaire. La politique des taux zéro complique la vie des banques, et la BCE est au courant depuis les tests réalisés à l'automne 2014 que les banques italiennes ne sont pas assez dotées en capitaux. Au lieu de les contraindre à s'assainir ou de les pousser à sortir du marché, le vice-président de la BCE Vítor Constâncio réclame désormais des fonds public pour recapitaliser les banques en difficulté. Cette initiative, qui va à l'encontre des règles de la nouvelle Union bancaire, n'est pas près d'affermir la confiance des citoyens dans le fonctionnement de la BCE.»
Des règles rigides à adapter
Le gouvernement italien veut débloquer des fonds publics pour soutenir les banques italiennes en difficulté. Un projet salué par le journal Kaleva :
«La ligne de Rome est compréhensible. L'effondrement des grandes banques du pays créerait une situation dangereuse. De plus, la crise pourrait provoquer un grand mouvement de panique en Europe. ... La Finlande a elle aussi recapitalisé ses banques il y a un quart de siècle grâce à l'argent du contribuable. A l'exception des caisses d'épargne, les établissements financiers ont remboursé ces aides. Sans cet appui, les dommages auraient été bien plus importants. Les règles sont les règles, même dans l'Union bancaire européenne. Mais il semblerait une fois de plus que les règles ne correspondent pas à la réalité. Il faudrait dès lors adapter ces règles. Si le plan italien est susceptible d'empêcher une nouvelle crise bancaire en Europe, alors l'Italie devrait aider les banques, en débloquant le montant adéquat.»
L'UE ne doit pas céder devant l'Italie
Les propositions de Matteo Renzi pour résoudre la crise bancaire italienne sont égoïstes et menacent la crédibilité du système financier européen, peste le quotidien El Páis :
«Renzi veut assainir les banques en difficulté avec l’argent du contribuable et faire en sorte que les créanciers, les grands investisseurs et les actionnaires ne mettent pas la main à la poche. … En fin de compte, Renzi veut surtout s’épargner les contreparties (programmes d’adaptation, etc.) d’un sauvetage bancaire. Le projet italien est absurde. Il est appuyé par quelques faibles voix, qui demandent la possibilité de ménager des exceptions après le choc du Brexit et qui soulignent le risque qu’un sauvetage et ses effets ne jouent en faveur du parti de Beppe Grillo. Si une exception était ménagée pour l’Italie, on pourrait aussi le faire pour le Portugal ensuite. Ceci signifierait une perte définitive de crédibilité pour le système financier européen.»
Merkel lorgne déjà sur les législatives
Quand bien même Berlin aurait de bonnes raisons d’assouplir les règles, la chancelière allemande Angela Merkel resterait inflexible par simple calcul électoral, estime le quotidien Corriere della Sera :
«En empêchant une participation totale ou partielle des créanciers de la banque Monte dei Paschi di Siena à la prise en charge du sauvetage de l'établissement, Merkel se rendrait vulnérable aux attaques de la droite en Allemagne. L’AfD accuserait la chancelière de laisser l’Italie détruire les règles européennes, qui ont pour fonction de protéger la discipline et l’argent des Allemands. Un peu plus d’un an avant les législatives, c’est un prix que Merkel et Schäuble ne sont pas prêts à payer. Un relâchement de la discipline européenne pourrait aider prochainement le gouvernement allemand à résoudre les problèmes croissants des banques régionales allemandes (Landesbanken) et de Deutsche Bank - mais ceci n'est pas d'un grand secours. Aujourd’hui, la chancelière et son ministre des Finances préfèrent clairement que Renzi assume les conséquences politiques d'une mise à contribution des créanciers.»