Conférence de Munich sur la sécurité : quel bilan ?
"Toucher le fond pour mieux remonter ?" - tel était le mot d'ordre choisi de la Conférence de Munich sur la sécurité, qui s'est tenue le week-end dernier. Après cette réunion traditionnelle de l'élite politique, les commentateurs évoquent les questions géopolitiques les plus brûlantes.
L'UE n'a pas compris quel était le véritable problème
Lors de la conférence, plusieurs responsables politiques européens ont réclamé une plus grande autonomie militaire pour l'UE, afin de réagir notamment à la politique de Donald Trump. Dnevnik juge cependant que le problème n'est pas imputable aux Etats-Unis :
«La politique de Washington vis-à-vis de l'UE suit une stratégie déjà formulée par les deux présidents qui ont précédé Trump. Il s'agit d'une stratégie incompatible avec les intérêts européens. Mais pourquoi le serait-elle ? L'élite dirigeante américaine a toujours veillé à privilégier ses propres intérêts. 'America First' n'est pas une invention de Trump. ... Le problème, ce n'est pas que la politique étrangère américaine soit contraire aux intérêts européens, mais plutôt que l'UE ait repris cette politique à son compte et qu'elle ait décidé de s'y soumettre. Le problème, en d'autres termes, c'est que la politique étrangère européenne n'a jamais été en adéquation avec les intérêts européens.»
Nétanyahou et la poudrière du Proche-Orient
L'intervention de Nétanyahou ne présage rien de bon, juge De Tijd :
«Dans son propre pays, Nétanyahou est au cœur d'un scandale de corruption et la classe politique est convaincue que le Premier ministre devra répondre de ses actes devant la justice. Les propos qu'il a tenus en Allemagne paraissent donc logiques : il veut convaincre ses compatriotes qu'ils ont besoin de lui face aux menaces étrangères. Les intérêts des autres participants sont moins clairs : pas plus ceux des Etats-Unis que ceux de l'Iran, de la Russie ou de la Turquie. La volonté de l'Europe de désamorcer les tensions par le biais diplomatique sont louables. ... Mais l'initiative sera-t-elle efficace ? Une fois la mécanique guerrière mise en branle, il est difficile de l'arrêter. Et cette mécanique guerrière, la région ne la connaît malheureusement que trop bien.»
Une aubaine pour les faucons iraniens
Malgré l'insistance des Européens, Washington ne leur donne pas de réponse claire, souligne La Stampa :
«La question la plus pressante est celle de l'accord sur le nucléaire iranien. Donald Trump entend 'l'améliorer'. L'Europe est prête à apporter son soutien. Mais quelle sera cette amélioration ? La Maison-Blanche garde le silence sur ce point. ... Les Européens avaient conseillé à Washington de ne pas revenir sur l'accord. En vain. Ils devront donc convaincre Téhéran d'accepter des conditions que l'accord ne prévoit pas. Rien ne dit pourtant que l'Iran accédera à ces demandes. Car de nombreuses personnes à Téhéran sont opposées à cet accord et guettent la moindre occasion de relancer le programme nucléaire. Trump la leur sert aujourd'hui sur un plateau.»
L'Europe prise entre le marteau et l'enclume
Après la Conférence de Munich, Troud affirme que le conflit russo-américain est le danger numéro un pour la sécurité européenne :
«Les Etats-Unis construisent leurs systèmes de défense antimissile en Europe et la Russie oriente ses missiles sur des objectifs en Europe. L'Allemagne et la France sont certes cosignataires de l'accord Minsk II, mais si les Etats-Unis livraient des armes à l'Ukraine, et si la Russie livrait des armes au Donbass, alors le conflit pourrait s'aggraver et dégénérer complètement. L'UE n'a pas son mot à dire dans les principales affaires concernant sa sécurité. Elle n'est que la distante observatrice d'évènements susceptibles de refaire du continent européen la victime de querelles et d'ambitions géopolitiques entretenues par des Etats extra-européens.»
La politique étrangère européenne reste lettre morte
Le journal Salzburger Nachrichten appelle l'Europe à combler le vide que le retrait américain laisse sur la scène internationale :
«Les Européens prennent conscience qu'ils doivent être plus autonomes et plus soudés en matière de politique étrangère et de défense. Or le Brexit marquera le départ d'un acteur important. Personne ne sait vraiment à quoi ressemblera la coopération post-Brexit. Les Etats européens doivent commencer par prévoir des projets d'armement communs, au lieu de se disperser en une multitude de dispositifs de défense différents. Il est difficile de dire comment l'UE arrivera à éviter de rentrer en concurrence avec l'OTAN en matière de défense. Une Union capable de mener sa propre politique étrangère, comme l'a évoquée le président de la Commission, Jean-Claude Juncker ? Une rhétorique qui paraît encore très théorique.»