La Grande Coalition va-t-elle transformer l'Europe ?
"Un nouveau départ pour l'Europe" : tel est l'un des mots d'ordre de l'accord de coalition. C'est pourquoi les premiers déplacements de la chancelière allemande et de son ministre des Affaires étrangères, après leur prestation de serment, les mèneront en France pour aborder les réformes européennes proposées par Emmanuel Macron. Les espoirs des journalistes restent toutefois modérés.
Réparer le tort causé à l'UE
Angela Merkel doit insuffler une nouvelle dynamique à la politique, au moins au niveau européen, insiste Le Figaro :
«Elle reste prudente, campée sur le respect des règles, avançant lentement pour décourager ses partenaires trop ardents. … Angela Merkel aurait pourtant intérêt à être volontariste. Jusqu'à présent, elle s'est montrée bonne gestionnaire de coalition mais sans réelle vision. C'est sur l'Europe qu'elle peut laisser une trace. Et elle doit se faire 'pardonner' un mauvais coup fait - malgré elle - à l'UE. Sa dangereuse politique migratoire a nourri les formations populistes et eurosceptiques un peu partout sur le continent. Or, l'Italiel'a montré, ces forces sont plus que jamais à l'offensive. Et une Europe immobile sera encore plus offerte à leurs coups.»
Merkel doit passer à l'action
Frankfurter Rundschau ne s'attend pas à une mise en œuvre rapide des réformes européennes :
«L'accord de coalition énonce que la zone euro doit devenir une communauté de destin insoluble et que ses membres doivent être financièrement solidaires les uns avec les autres. Une déclaration de principe qui rappelle le credo d'Emmanuel Macron. Mais ces belles paroles ressemblent au vœu pieu de l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés par l'Allemagne et la France. Une mesure attendue depuis sept ans déjà. Vendredi, la chancelière effectuera sa première visite à Paris. Nul besoin d'avoir des dons de voyance pour prédire que les partenaires européens, inquiétés par les populistes, afficheront un rapprochement de façade et déclareront leur intention d'engager des réformes. Mais il ne suffit pas de clamer haut et fort la coopération. Les deux parties doivent fournir des avancées concrètes. Surtout Angela Merkel.»
Pas la moindre dynamique
Pour Cicero, la morne présentation du contrat de coalition ne laisse rien présager de bon :
«D'où pourrait bien venir le renouveau, la fraîcheur, le dynamisme dans cette troisième grande coalition dirigée par Merkel ? ... Avec toute la bonne volonté du monde, on ne trouve pas de réponse. Il y a plus de chances que lors d'un de leurs deux prochains concerts en Allemagne, les Rolling Stones jouent une chanson punk que de voir la troisième mouture de cette triste institution appelée Grande Coalition allemande faire souffler sur l'Allemagne un vent revigorant comme Emmanuel Macron le fait en France ou Sebastian Kurz en Autriche. Dans sa prestation, Merkel rappelait un peu Miss Sophie dans le film Dinner for One [un classique populaire en Allemagne, dans lequel une vieille dame fête chaque année son anniversaire seule et en observant strictement le même rituel]. A une différence près : elle n'était pas seule à table.»
La politique intérieure ne sera pas un long fleuve tranquille
Les défis que Merkel va devoir relever ne se limitent pas à la politique étrangère, prédit Corriere del Ticino :
«L'Allemagne, pays riche s'il en est, comporte aussi des enclaves de pauvreté et les disparités de niveau de vie entre les provinces de l'est et de l'ouest persistent en partie. En outre, l'intégration d'une population musulmane croissante ne réussit pas toujours. La menace du fondamentalisme islamique est aujourd'hui aggravée par le risque de tensions entre les représentants de la communauté kurde et de la communauté turque en Allemagne. Ankara a récemment demandé au gouvernement allemand d'intervenir après que deux mosquées et le bâtiment d'une association germano-turque aient été pris pour cible à Berlin et que des attaques aient été perpétrées dans le sud de l'Allemagne - des attaques dont le régime turque impute la responsabilité à des extrémistes kurdes.»