Sommet quadripartite sur la Syrie à Istanbul
Tayyip Erdoğan, Emmanuel Macron, Angela Merkel et Vladimir Poutine se sont réunis à Istanbul pour esquisser les contours d'un processus politique pour la Syrie, minée par des années de guerre civile. Il a notamment été convenu qu'un comité constitutionnel soit mis sur pied d'ici la fin de l'année à Genève. Ce nouveau format de dialogue peut-il être fructueux ?
Dénouer le nœud gordien
Ce format pourrait être une innovation bienvenue, estime Evenimentul Zilei :
«La variante syrienne, avec une paix unilatérale imposée par la Russie et l'Iran, qui exclut les 'autres acteurs étrangers', n'a pas produit de résultat. Le format d'Astana, composé de la Russie, de l'Iran et de la Turquie, avait lui aussi ses limites. La Turquie avait quitté le dernier sommet à Téhéran particulièrement mécontente. L'approche Etats-Unis/Russie est pour sa part marquée par d'importantes divergences et ne tient pas compte des problèmes de l'Europe, et notamment de ceux de la Turquie. ... A tout cela s'ajoutent également les intérêts d'Israël, qui font de la Syrie un véritable nœud gordien, avec une guerre où il ne peut y avoir aucun gagnant. Le format d'Istanbul est désormais l'occasion d'avancer, même si aucun représentant syrien ne participe aux négociations.»
L'Europe fait preuve d'initiative
Večernji list voit dans le sommet un signal envoyé par l'Europe aux Etats-Unis :
«Contrairement aux nombreux autres cycles précédents de négociations à Astana ou à Genève, les chefs d'Etat de deux grands pays européens étaient présents à Istanbul. De l'avis des experts, l'Allemagne et la France ont ainsi montré que le point de vue de Washington n'était plus le plus important. Ils évaluent le sommet comme un message envoyé aux Etats-Unis : pour résoudre les conflits auxquels ils sont confrontés, les Etats européens entendent mener leur propre politique. La position franco-allemande dans la guerre en Syrie s'avère par ailleurs bien plus flexible que celle des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, qui veulent renverser Bachar Al-Assad, et privilégient le chaos de la guerre au retour de la paix.»
La Turquie peut débloquer la situation au Proche-Orient
La rencontre d'Istanbul a souligné la nécessité d'associer de nouveaux acteurs à la pacification du Proche-Orient, commente le journal pro-AKP Yeni Şafak :
«Lors du sommet d'Istanbul, les dirigeants turc, français, allemand et russe ont discuté de l'avenir de la Syrie. Washington, Tel-Aviv, Téhéran et Damas n'avaient pas été conviées. ... La nouvelle constellation illustre déjà la mutation de l'ordre mondial, l'émergence de nouvelles forces et de nouveaux axes et la possibilité de traiter un problème international en se passant des protagonistes habituels. La guerre en Syrie a été un véritable piège pour la Turquie et pour l'ensemble de la région. Mais nous en avons pris acte et nous nous efforçons dorénavant de prendre les devants, afin de déminer le terrain.»
Un 'comité constitutionnel' qui ne sera pas viable
Dans une tribune à Izvestia, le politologue Alexander Domrin doute des chances de succès du "comité constitutionnel" envisagé à Istanbul :
«L'unique résultat concret du sommet est l'accord trouvé sur la création d'un comité constitutionnel d'ici deux mois. Or cette innovation me parait difficilement réalisable. Car ce comité est censé se composer de 150 experts, représentant à parts égales le gouvernement syrien, l'opposition (soi-disant modérée) en Syrie et l'opposition issue de la diaspora. Du simple point de vue structurel, il s'agit d'ores et déjà d'une construction complexe. Et sa capacité à élaborer une nouvelle Constitution pour le pays semble par ailleurs plus qu'hypothétique.»