Guerre au Yémen : vers de nouvelles négociations de paix ?
Les Etats-Unis ont lancé la semaine dernière une initiative pour amorcer de nouvelles négociations autour de la guerre civile au Yémen. Le ministre américain des Affaires étrangères, Mike Pompeo, a appelé tous les belligérants à se réunir autour d'une table d'ici la fin du mois. Les observateurs analysent les chances de réussite de cette initiative et les motivations qui la sous-tendent.
Riyad enfin recadrée
Upsala Nya Tidning affiche un optimisme prudent :
«Après l'assassinat de Jamal Khashoggi, la pression s'est accrue sur l'Arabie saoudite et les alliés du royaume. Le monde cesse enfin de fermer les yeux sur la brutalité du régime saoudien. Aux Etats-Unis également, le plus proche allié de Riyad en dehors de la péninsule arabique, les voix critiques se font entendre. L'impact est considérable. Le ministre américain de la Défense, James Mattis, souhaiterait que des négociations de paix aient lieu d'ici 30 jours en Suède, et que l'on trouve une solution qui prévoie 'un armistice, un retrait des troupes et la fin des bombardements'. Espérons que les choses se dérouleront ainsi. Il faut mettre fin aux souffrances que connaît la population du Yémen.»
Espérer la fin de l'emprise saoudienne
L'auteure yéménite Bushra Al-Maqtari estime elle aussi que l'affaire Khashoggi peut contribuer à favoriser la recherche d'une solution de paix dans le pays, comme elle l'écrit dans le quotidien qatari Al-Araby Al-Jadid :
«Si les meurtriers de Khashoggi étaient traduits en justice, alors cela pourrait aussi marquer la fin de l'emprise saoudienne sur le Yémen. Le monde prendrait enfin conscience de la tragédie humaine que connaît le pays. Mais il faut pour cela que la communauté internationale agisse de façon consciencieuse et prenne la mesure de l'ampleur des crimes qui y ont été commis.»
Mieux redistribuer les revenus du pétrole
Tant que subsisteront les problèmes à l'origine de la guerre civile, il ne pourra y avoir de cessez-le-feu durable au Yémen, estime pour sa part The Irish Times :
«Les pourparlers de paix à l'ONU ont échoué en septembre car ils avaient été boycottés par les Houthis. Les rebelles avaient rejeté une résolution du Conseil de sécurité qui les aurait contraints à évacuer des territoires conquis auparavant. La guerre civile a débuté lorsqu'ils s'étaient rebellés contre le gouvernement, qui proposait de décentraliser le pouvoir dans le pays - une mesure qui aurait privé plusieurs territoires d'un partage convenable des revenus du pétrole, la première manne financière du pays. Tant qu'aucune solution ne sera apportée à ces problématiques au long cours, il sera impossible de parvenir à un accord de paix.»
Rectifier le tir
Frankfurter Allgemeine Zeitung s'interroge sur les motivations de l'administration américaine :
«Aujourd'hui, après trois années d'une catastrophe humanitaire abondamment alimentée, d'une épidémie de choléra et d'une famine qui a affecté des millions de personnes, voilà que l'on entend mettre entre parenthèses nos dévastations au Yémen (les dévastations saoudiennes au Yémen, opérées au moyen de nos armes de précision américaines et de notre soutien politique). ... Alors que ces images désagréables tombent fort mal à propos [à l'heure des élections de mi-mandat], on se fend de quelques propos indignés. Il faut éviter que quelqu'un dise qu'au titre de leaders de la communauté de valeurs occidentale, nous ne faisons pas notre devoir.»