L'Ukraine instaure un 'registre des oligarques'
Le Parlement ukrainien a adopté jeudi dernier une loi censée restreindre l'influence des oligarques dans le pays. Celle-ci prévoit que les noms de ces oligarques soient répertoriés dans un registre tenu par le Conseil de sécurité nationale et de défense. Les membres de ce Conseil étant nommés par le président, les chroniqueurs font part de leurs réserves.
Séparer l'économie du politique
Sur le site kanaldom.tv, le politologue Igor Petrenko juge que la nouvelle loi crée enfin une démarquation entre économie et politique :
«Si les oligarques disposent depuis longtemps d'un pouvoir considérable, s'ils exercent une influence majeure sur les médias et sur les responsables politiques, alors il faut prendre une décision exceptionnelle pour mettre fin à ce cercle vicieux. Globalement, cette loi correspond à la logique des actions législatrices entreprises par d'autres pays dans la lutte contre les oligarques. Il s'agit d'une loi antitrust. Il est ici question des monopoles, de la régulation des médias, du financement des politiques, des forces politiques et du lobbyisme. Dans un second temps, il faudra aussi se pencher sur le lobbyisme et adopter une loi pour l'encadrer.»
Pas de volonté politique
Une loi contre les oligarques n'apportera pas grand-chose si la classe politique n'est pas réellement disposée à restreindre leurs pouvoirs, estime pour sa part Agia Zagrebelska, co-fondatrice de l'institut public "Liga Antitrust" dans Nachi Grochi :
«Les lois ukrainiennes anti-monopolistiques ne peuvent fonctionner que si les fonctionnaires veulent travailler et protéger la libre concurrence plutôt que les empires oligarchiques. Or ni Zelensky ni les personnes qu'il a nommées au sein du comité anti-monopoliste ne poursuivent cet objectif. … Lorsque le président parle de 'désoligarchisation', de justice et de règles égales pour tous, on n'en croit pas un traître mot. Car on voit défiler tous les jours des documents signés par ses acolytes et dont les contenus indiquent précisément le contraire.»
Un blanc-seing pour l'arbitraire et l'autoritarisme
Vzglyad critique également cette loi, mais pour d'autres raisons :
«Le terme 'oligarque' est défini de façon extrêmement vaseuse dans la loi ; en Ukraine, toute personne riche et qui s'est attirée les foudres du président risque donc de tomber sous le coup de cette définition. C'est aussi ce que s'efforcera de faire le Conseil de sécurité nationale, qui est directement inféodé à Zelensky. De facto, le Conseil a donc le droit de faire arbitrairement passer certains hommes d'affaires dans la catégorie 'oligarques', et de les empêcher ainsi de participer à des opérations de privatisation ou de pouvoir cofinancer des partis politiques. Ceux-ci se retrouveront dès lors exclus des flux financiers, de l'accès à la propriété et au pouvoir. Zelensky sera par conséquent doté d'un levier puissant, qui contribue à faire de l'Ukraine une république présidentielle extrêmement autoritaire.»