Pays-Bas : Mark Rutte annonce quitter la politique
Après avoir démissionné du poste de Premier ministre, Mark Rutte a annoncé qu'il se retirait de la vie politique. Son gouvernement s'était effondré en raison de divisions internes sur le regroupement familial des réfugiés. Il est le politique à être resté le plus longtemps au pouvoir aux Pays-Bas. Les commentateurs font le bilan, et se demandent ce que l'avenir pourrait apporter.
Le mauvais garçon de l'UE plie bagage
La Vanguardia dresse le bilan :
«L'ex-Premier ministre est l'un des hommes politiques les plus anciens d'Europe et son nom est souvent revenu pour pourvoir des postes importants au sein de l'UE. ... Sur le continent, son conservatisme fiscal a fait de lui le mauvais garçon de l'UE et le chef de file de la politique d'austérité européenne. ... Mark Rutte a toujours mis les pays du Sud sous pression. ... Sa démission en a surpris plus d'un, alors même que son dernier gouvernement était sur la corde raide depuis des mois. Il ne faisait aucun doute que le gouvernement allait connaître une crise, mais on était loin de penser que Rutte quitterait la politique, car il avait jusque-là survécu à toutes les crises politiques. Son départ est source d'incertitude, dans le pays et au sein de son parti.»
De la place pour le renouveau
De Volkskrant écrit :
«Ce sont les historiens, mais aussi l'évolution de la politique néerlandaise - morcelée et on ne peut plus divisée - de ces prochaines années qui nous diront comment évaluer les années Rutte. Etait-il le dernier rempart contre la débandade généralisée, comme l'ont toujours dit ses fidèles, ou a-t-il justement contribué au désordre avec son premier gouvernement controversé, ses réformes insuffisamment réfléchies lors de son deuxième cabinet et le déni des dysfonctionnements sociaux lors de son troisième mandat ? ... Le départ annoncé de Rutte ouvre la voie à de nouvelles interactions et idées.»
Un départ logique
Le journal pro-Fidesz Magyar Nemzet ne boude pas son plaisir de voir Mark Rutte, l'un des détracteurs de Viktor Orbán, quitter la politique :
«Nous avons devant nous une photo d'un sommet européen de 2016. ... L'image des chefs d'Etat et de gouvernement montre des personnalités politiques qui avaient alors fait la leçon à notre pays sur la question de l'immigration et de la clôture frontalière. L'ex-chancelier autrichien Werner Faymann par exemple, ou encore l'impertinent Matteo Renzi, ex-Premier ministre italien. ... Ils ont tous disparu de la scène politique. ... Mark Rutte, qui affirmait jadis vouloir mettre la Hongrie à genoux, a finalement été le premier à plier l'échine. Son gouvernement s'est effondré en raison - quelle surprise ! - de divergences d'opinion sur la question migratoire.»
Un mauvais compromis évité
La chute du gouvernement néerlandais, bien que regrettable, permet de clarifier les choses, fait valoir De Telegraaf :
«Aucune décision majeure ne sera prise d'ici l'avènement d'un nouveau gouvernement. L'une de ces décisions aurait pu être une nouvelle approche en matière de politique d'asile. L'arrivée continue de demandeurs d'asile met la société sous forte pression. Alors que l'échec de la politique migratoire est l'un des problèmes majeurs de notre époque, c'est pourtant sur cette question que le cabinet a buté. Si l'on peut déplorer la chute du gouvernement, au moins les choses sont-elles claires désormais. Après neuf mois de discussions sur une nouvelle politique d'asile, le VVD [le parti du Premier ministre] a tenu bon. Mieux vaut provoquer la chute du gouvernement que de conclure un mauvais compromis sur la politique d'asile.»
La fin de la carrière politique de Rutte ?
Mark Rutte, désormais Premier ministre intérimaire, fait un pari très risqué, analyse De Volkskrant :
«Il a provoqué la chute de son propre gouvernement - le quatrième qu'il dirigeait - dans l'espoir d'établir par la suite un cabinet plus à droite, préférable à ses yeux. ... La majeure partie du Parlement juge que Rutte doit faire place nette. Et d'après un récent sondage, ce serait aussi l'avis de la plupart des Néerlandais - actuellement du moins. En imposant des élections anticipées, Rutte et son parti, le VVD, prennent un risque considérable. ... Si contre toute attente, le VVD ne devenait pas la première force politique du pays, ce serait un véritable drame pour les libéraux. Car un tel événement rendrait inéluctable le départ de Rutte de la politique.»
Une priorité politique
Pour La Libre Belgique, le problème est évident :
«Aucun pays européen ne peut plus ignorer qu'un travail colossal, de fond, doit être mis en place non seulement pour contrôler correctement cette immigration, mais aussi pour l'intégrer de manière bien plus intelligente et inclusive qu'elle ne l'est aujourd'hui. Les partis extrémistes enfilent les succès électoraux en faisant croire l'inverse, qu'il faut simplement limiter l'afflux de migrants. C'est un simplisme dangereux. D'un point éthique, social et économique - au vu des pénuries sur le marché du travail et du vieillissement de la population - l'UE a tout intérêt à faire de la migration une priorité absolue. Sans cela, le paysage politique continuera à s'obscurcir.»
Pas la cause première
Les immigrés sont les boucs émissaires de la chute du gouvernement, déplore Jutarnji list :
«Les loyers élevés et la pénurie de logements, la forte hausse du prix du gaz et l'inflation : voilà les problèmes qui préoccupent vraiment les Néerlandais. Dans cette situation, il est facile de rejeter la faute sur les immigrés, et notamment sur les demandeurs d'asile. L'année dernière, les critiques des organisations humanitaires sur les très mauvaises conditions de prise en charge des réfugiés ont particulièrement affecté le pays. Rutte a voulu régler la question en réduisant le nombre de migrants, mais sa tentative s'est soldée par un échec. Lors de l'annonce de sa démission, il a évoqué comme raison le manque d'unité sur la question de l'accueil des demandeurs d'asile.»