Allemagne : que penser du dialogue entre Scholz et Poutine ?

Le chancelier Olaf Scholz a appelé le président russe, Vladimir Poutine, vendredi. Il affirme avoir invité la Russie à retirer ses troupes et souligné que le soutien occidental à l'Ukraine était indéfectible. Les journalistes européens désapprouvent majoritairement cette initiative et la mettent en perspective avec la candidature de Scholz comme tête de liste des sociaux-démocrates aux législatives anticipées, prévues pour février 2025.

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Jutarnji list (HR) /

Une ignominie

Pour Jutarnji list, Olaf Scholz ne fait vraiment pas le poids :

«Pourquoi avait-on tiré à boulets rouges sur le Premier ministre Viktor Orbán quand il s'était rendu à Moscou en juillet dernier, mais pourquoi cela ne pose-t-il problème à personne que le chancelier allemand appelle le Kremlin ?! Orbán et Scholz ont bravé un interdit : ils ont négocié sur l'Ukraine avec un criminel de guerre à l'insu de la première intéressée. ... Scholz est politiquement fini, et c'est de loin le pire chancelier depuis la réunification allemande. Ses prédécesseurs - Helmut Kohl, Gerhard Schröder et Angela Merkel - étaient des dirigeants d'envergure, de la pointure de Konrad Adenauer ou Willy Brandt, si l'on remonte un peu plus loin dans l'histoire. Contrairement à eux, Scholz laisse derrière lui une Allemagne affaiblie sur le plan économique, mais aussi géopolitique.»

Tages-Anzeiger (CH) /

'Chancelier de la paix' - un slogan qui ne fera pas recette

Tages-Anzeiger fait part de son scepticisme :

«Le SPD cherche à renouer avec sa tradition pacifiste, en mettant Scholz en avant comme 'chancelier de la paix'. Manque de chance pour les sociaux-démocrates, le coup avait déjà raté aux européennes. Il y a d'autres 'amis de la paix' - Wagenknecht et l'AfD - pour qui même la livraison d'armes à l'Ukraine par l'Allemagne va trop loin. Ils fustigent un Scholz 'va-t-en guerre', qui aurait fait de Berlin le second soutien de Kyiv dans le monde. Pour les amis de l'Ukraine en revanche, la voie médiane que Scholz suit d'un pas timoré reste en deçà du véritable objectif : permettre à l'Ukraine de remporter la guerre.»

NV (UA) /

Scholz marque un point dans l'opinion allemande

Si Scholz a pris son téléphone pour appeler Poutine, c'est par calcul politique, écrit le politologue Volodymyr Fessenko sur NV :

«Je pense que le chancelier savait parfaitement que Poutine n'allait pas négocier avec lui une fin de la guerre en Ukraine. Tout ce qui lui importait, c'est l'effet que produirait ce coup de fil dans le contexte pré-électoral. En amont des législatives allemandes, il se pose en 'pacificateur' et tente de se mettre au diapason d'une grande partie des électeurs allemands. Pour attirer sur soi l'attention des média allemands et du reste du monde, il faut reconnaître que l'opération de communication n'est pas mauvaise.»

Salzburger Nachrichten (AT) /

De nouveaux visages pour égayer ces législatives

Salzburger Nachrichten conseille au SPD, mais aussi à la CDU, de choisir d'autres têtes de liste :

«Tandis que Robert Habeck semble être aussi immuable à la tête des Verts que Christian Lindner à celle du FDP, les sociaux-démocrates comptent dans leur rang un candidat qui serait prometteur de 100 jours de campagne revigorante, en lançant dans la course la personnalité politique actuellement la mieux cotée dans les sondages de popularité, Boris Pistorius. A la CDU, au lieu de Friedrich Merz, un visage pimpant et populaire comme celui d'un des ministres-présidents de région, Hendrik Wüst ou Daniel Günther. Un vent de fraîcheur côté CDU et SPD enlèverait un peu de leur attrait aux franges extrêmes.»

Corriere della Sera (IT) /

Un homme sans qualités

Corriere della Sera évoque un chancelier inadapté :

«L'Allemagne - et partant, l'Europe - a perdu trois années sous la direction d'Olaf Scholz, un chancelier sans qualités et qui, après avoir suscité l'espoir avec son fameux discours sur le 'grand tournant', avait tenté de sauver ce qu'il subsistait d'un modèle intenable, plutôt que de le réinventer. Dépourvu de charisme et incapable de leadership - contrairement à ce qu'il avait affirmé -, Scholz a rendu ingouvernable une coalition déjà dysfonctionnelle. ... Résultat : la voix de l'Allemagne en Europe s'est affaiblie, au point d'être devenue inaudible, dans un jeu de miroirs étrange avec la France, l'autre grande puissance, elle aussi paralysée par un président brillant mais mégalomane et aventuriste, et désormais par un gouvernement sans majorité.»