Forum économique mondial de Davos, quelle fonction ?
L'élite économique mondiale se retrouve actuellement dans le cadre du sommet annuel de Davos. Si 3 000 participants ont répondu à l'appel, Donald Trump, Theresa May et Emmanuel Macron brillent par leur absence. Le signe pour les éditorialistes que le Forum économique mondial ne cherche pas à s'atteler aux problèmes du monde.
Davos a perdu de son éclat
Jadis rendez-vous de prédilection des chefs d'Etat, Davos ne fait plus recette aujourd'hui, assure Novi list :
«Cette année, les grands chefs d'Etat de la planète ont laissé à leurs subalternes le soin de les représenter au sommet. Cela montre que les politiques prennent leurs distances du microcosme de Davos - des cercles des éminents hommes d'affaires de la planète, avec lesquels ils avaient formé ces dernières années, de l'avis des critiques, une véritable coterie. Ils ont soumis le monde aux intérêts des banques et des grandes entreprises et ils sont désormais confrontés dans leurs pays aux conséquences désagréables de ces choix : rébellions populistes et autres difficultés.»
Le commerce plutôt que la protection climatique
Les grandes priorités internationales ne sont mêmes plus abordées à Davos, déplore Deutschlandfunk :
«Le conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine, susceptible de plonger l'économie mondiale dans la crise, n'est pas plus à l'ordre du jour que le Brexit, qui pourrait diviser l'Europe. Mais le grand absent reste le changement climatique. ... On préfère parler de 'mondialisation 4.0', ou encore de la 'quête d'une architecture mondiale à l'heure de la quatrième révolution industrielle'. En clair, il s'agit de savoir comment faire des affaires juteuses dans des industries d'avenir, comme l'intelligence artificielle. ... Les organisateurs ont privilégié le business sans lendemain à la protection du climat.»
Le changement ne peut venir que d'en bas
The Independent porte un regard similaire sur le sommet :
«Il serait préférable de concevoir Davos d'abord comme une 'business conference' : l'occasion pour les patrons, financiers et conseillers du monde entier de rencontrer leurs pairs et de se sentir importants. ... Davos n'est pas une cause des inégalités mondiales, il en est plutôt un symptôme. Il ne faut pas s'attendre à ce que le Forum économique mondial délivre un diagnostic des dysfonctionnements de notre économie, et encore moins à ce qu'il entreprenne une action quelconque pour réduire les inégalités. Ce correctif, s'il se produit un jour, ne viendra que de la base, d'en bas, et non des cimes glacées d'un massif helvétique. »
Pas d'heureux dénouement
Die Presse déplore l'absence des poids lourds de l'économie mondiale à Davos :
«Si l'économie entre en récession - ce à quoi les experts du WEF s'attendent au plus tard dans quelques années, le château de cartes s'effondrera. Car les banques d'émission ont tiré leur dernière cartouche. Resterait la méthode appliquée à la Grèce, mais au niveau mondial. La perte de valeur qui nous menace n'est pas enviable. Actuellement, comme les personnages d'une tragédie grecque, nous glissons vers ce scénario. Davos ne finira pas sur un heureux dénouement. Ne serait-ce que pour une raison simple : les principaux protagonistes ne sont pas sur la scène.»
Beaucoup de bruit pour rien
Le quotidien Rzeczpospolita déplore l'absence de propositions concrètes à Davos :
«Le Forum économique mondial n'a jamais eu l'ambition de résoudre des problèmes mondiaux, bien qu'il oblige ses participants à les évoquer, ce qui est déjà, en soi, quelque chose d'important. C'est donc à nous, les médias, qu'il revient de faire sur place le travail de journalisme nécessaire auprès des intervenants. Cela n'a jamais été simple, et ça ne l'est toujours pas, car les journalistes sont maintenus à l'écart des principales rencontres et ne peuvent entendre que ce que les participants veulent bien leur dire. ... Si la grand-messe organisée chaque année à Davos a des dimensions considérables, elle ne propose toutefois quasiment jamais de solutions concrètes.»
Davos n'a jamais été aussi important
Le Forum économique de Davos est d'autant plus important que l'écart des inégalités dans le monde se creuse, juge Politiken :
«La colère provoquée par les inégalités est une des raisons pour lesquelles Trump, May et Macron n'ont pas le temps d'aller à Davos. Le paradoxe, néanmoins, c'est que seule la coopération internationale peut permettre de trouver des solutions. Il faut dompter les géants technologiques, combler les niches fiscales et répartir équitablement le fardeau de la transition vers une économie plus verte. ... Nous sommes au beau milieu de la quatrième révolution industrielle et les structures politiques n'ont pas évolué en conséquence. Il convient d'y remédier au plus vite si l'on veut éviter de se retrouver dans une situation dont on observe déjà les prémices : guerres commerciales, protectionnisme et troubles politiques.»
Veut-on produire des gilets jaunes ?
Jurnalul National se penche sur le mot d'ordre du Forum, "Mondialisation 4.0", et appelle à ce qu'il rime avec un avenir meilleur :
«La confiance qu'on a dans une société repose sur un fondement simple : le sentiment que les choses vont s'améliorer en non empirer. Les puissances politiques et économiques doivent élaborer un nouveau contrat social, car dans un trop grand nombre de pays de la planète, les gens se sentent de plus en plus frustrés et laissés pour compte. Si la 'Mondialisation 4.0' laisse l'individu sur la touche, elle risque de faire de nous tous des gilets jaunes.»