Brexit : le speaker du Parlement empêche un troisième vote

Alors que Theresa May comptait à nouveau soumettre au vote de la Chambre des communes son accord sur le Brexit, le 'speaker' de la chambre, John Bercow, a exclu cette possibilité. Trois options se présentent désormais à la Première ministre : modifier l'accord de sortie, dissoudre le Parlement ou rassembler derrière elle une majorité de députés lui permettant d'imposer un troisième vote. L'objection de Bercow a-t-elle été judicieuse ?

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Les Echos (FR) /

Bercow, l'homme de la situation

Le quotidien Les Echos tire son chapeau au coup stratégique de John Bercow :

«Dans un pays en plein désordre, la fonction essentielle de John Bercow semble être de hurler 'Order' à tout bout de champ. Son organe étant aussi puissant que ses cravates sont aveuglantes, le Speaker de la Chambre des Communes, autrement dit son président, est l'homme de la situation dans un parlement en pleine effervescence. ... Ainsi vient-il de déterrer un vieux texte de 1604, qui selon lui interdit à la Chambre de revoter sur une question sur laquelle elle s'est déjà prononcée. Exit donc la demande de May de faire revoter sans modification son accord sur le Brexit. Cela pourrait obliger Londres à demander à Bruxelles un nouveau report et donc prolonger la possibilité d'arrondir les angles.»

Jutarnji list (HR) /

Un report bien hypothétique

Le président du Parlement britannique ne fait qu’emmêler un peu plus le sac de nœuds du Brexit, estime en revanche Jutarnji list :

«Le processus est à tel point enlisé en Grande-Bretagne qu'on en est réduit à invoquer une loi du XVIIe siècle, qui stipule que sans modification majeure, une même motion ne peut pas être indéfiniment soumise au vote dans le cadre d'une même législature. Sera-t-il possible de soumettre l'accord avec l'UE à un troisième vote du Parlement britannique ? Rien n'est plus incertain. Si par miracle la motion [l'accord sur le Brexit] devait passer, il serait plus simple pour l'UE d'accorder un report à la Grande-Bretagne. Car l'Union saurait à quelle fin le Brexit a été reporté de plusieurs mois, ce qui rendrait la situation un peu plus prévisible.»

The Times (GB) /

Un nœud gordien impossible à défaire

Pour The Times, si le Brexit met à aussi rude épreuve la politique intérieure, ce n'est pas de la faute de la cheffe du gouvernement :

«Ces conditions de départ ne sont pas le résultat de l'irrésolution de May ou de son manque de talents de négociatrice. Elles sont inhérentes au Brexit, à ce qu'il a été jusqu'à présent et ce qu'il sera toujours. Ce n'est pas le backstop qui nous piège. C'est le besoin de trouver une solution à la frontière avec l'Irlande. Et l'on n'est pas sortis de l'auberge, parce qu'il n'y a pas de solution sur ce point. ... Quelle que soit la carrure de celui qui remplacerait May à la tête des Tories, fut-ce Henry Kissinger, Nelson Mandela ou Donald Trump, la Grande-Bretagne resterait dans la même situation : une position de négociation relativement faible face à des interlocuteurs assez unis.»

Berliner Zeitung (DE) /

A Londres au moins, il y a des débats

Berliner Zeitung fait valoir qu'il ne sied pas aux Allemands de se plaindre du chaos qui règne à la Chambre des communes :

«Il importe de comprendre que surmonter la profonde division du pays par les moyens de la démocratie représentative est une tâche qui requiert du temps. ... Assiste-t-on quelque part en Allemagne à des débats aussi engagés ? Quelle tête Angela Merkel ferait-elle si elle devait quotidiennement se justifier pour défendre ses positions, face aux dirigeants de l'opposition, dans des échanges incessants et de surcroît publics, alors même qu'elle est bousculée dans les rangs de sa propre formation ? Comparé aux traditions ancestrales et à la disposition des places de la Chambre de communes, notre Bundestag a des airs engoncés, stériles et autoritaires.»

The Guardian (GB) /

May bluffe et perd la mise

John Bercow coupe court à la stratégie de Theresa May, pointe The Guardian :

«Il a fait voler en éclats l'agenda de la semaine de la Première ministre. ... Un certain nombre de Tories ou de membres du DUP auraient-ils agi différemment s'ils avaient su que May avait brûlé sa dernière cartouche, qu'il n'y aurait donc plus d'autre occasion de faire passer en force son accord ? Il ne fait aucun doute que la stratégie de la Première ministre consistait à éliminer une à une les alternatives, pour qu'à la fin, les députés en arrivent à la conclusion que le seul Brexit viable était le sien. Pour que sa stratégie marche, il lui fallait continuer de bluffer et de faire monter les enchères. Elle ne se rendait pas compte qu'au final, au Parlement, c'est le président de la Chambre des communes qui décide des règles du jeu. Maintenant que les cartes sont rebattues, tout est possible.»

tagesschau.de (DE) /

L'heure du départ a sonné

May reste la première responsable de la crise, estime Jens-Peter Marquart, correspondant à Londres du portail tagesschau.de :

«En 2016, même dans nos pires cauchemars, on se serait difficilement imaginé qu'il soit possible de saccager la sortie de l'UE comme l'a fait Theresa May. ... En fin de semaine, la Première ministre va à nouveau se rendre à un sommet européen les mains vides, sans feuille de route et sans soutien. Mais avec le souhait que les 27 autres chefs d'Etat et de gouvernement repoussent une fois de plus la sortie britannique. A quoi bon ? Dans quel but ? Pour combien de temps ? Il est temps que cette Première ministre cesse enfin d'importuner le reste de l'UE. L'heure de sa démission a sonné. Peut-être un autre Premier ministre ou une autre Première ministre trouvera quelque part, dans la longue histoire britannique, une idée pour quitter l'UE de manière élégante.»