Demandeurs d'asile : Boris Johnson passe un accord avec Kigali
Le gouvernement britannique entend envoyer au Rwanda, à 6 500 kilomètres du Royaume-Uni, les demandeurs d'asile dont la procédure est en cours examen. Même si leur demande trouvait une issue favorable, ceux-ci seraient contraints de rester au Rwanda. Compte tenu de la piètre situation des droits de l'homme au Rwanda et de l'autoritarisme de son président, Paul Kagamé, l'accord a suscité une levée de boucliers. La presse est divisée.
Faire diversion avant les municipales
Boris Johnson veut faire oublier ses propres turpitudes, estime Le Monde dans son éditorial :
«En promettant d''externaliser' le traitement des demandes d'asile vers le Rwanda, le Premier ministre britannique veut dissuader les migrants de traverser la Manche. Mais il cherche surtout, à trois semaines des élections locales où son parti est menacé, à détourner l'attention des électeurs du scandale lié à l'amende qui vient de lui être infligée pour avoir enfreint les règles sanitaires pendant la pandémie. Présentant la nouvelle procédure comme un 'dividende du Brexit' satisfaisant sa promesse de 'reprendre le contrôle des frontières', M. Johnson cherche aussi à faire oublier l'impact économique et diplomatique négatif de la sortie de l'UE.»
Un programme aussi vertueux que chrétien
The Daily Telegraph ne comprend pas que l'archevêque de Canterbury, Justin Welby, ait critiqué le projet dans son sermon de Pâques :
«Loin de toute idée vengeresse, il s'agit d'empêcher un bien pire mal : le trafic d'être humains. Des milliers de migrants, majoritairement de jeunes hommes ne fuyant pas les persécutions mais en quête d'une vie meilleure, versent d'importantes sommes d'argent pour traverser des pays parfaitement sûrs dans le but de traverser la Manche. ... Que les gauchistes qui dénigrent le plan Rwanda expliquent donc ce qu'ils préconiseraient à la place. Laisser les canots poursuivre leur route ? Laisser n'importe qui entrer dans ce pays, par n'importe quel moyen ? Ceci aurait pour résultat une situation extrêmement peu chrétienne : la survie du plus fort dans le monde.»
La conscience n'est pas une chose que l'on peut externaliser
The Independent critique l'inhumanité du projet :
«Pour que le plan Rwanda ait la moindre chance de réussir, il faut que ceux qui sont censés y atterrir soient terrifiés à l'idée des conditions qui les y attendent. Cruautés et souffrances sont des ingrédients indispensables du programme. ... Des centres similaires d'éloignement offshore, tels que ceux inventés par l'Australie, ont donné lieu à des zones sordides de désastre humanitaire. De surcroît, il semblerait qu'il existe des règles arbitraires applicables aux réfugiés en provenance d'Ukraine, de Hong Kong et d'Afghanistan (même si elles sont enfreintes), et d'autres règles applicables aux réfugiés venant du reste du monde. ... On paie donc un pays pauvre pour accueillir des réfugiés. On croit pouvoir les oublier en délocalisant la conscience nationale britannique.»