La Géorgie fait machine arrière face à la levée de boucliers
Suite aux nombreuses manifestations suscitées par son projet de loi sur 'la transparence de l'influence étrangère', le gouvernement géorgien a été obligé de faire machine arrière. Cette loi s'inspirant du modèle russe aurait permis de classer 'agents de l'étranger' les médias, les journalistes et les ONG et de restreindre considérablement leurs activités. La presse européenne fait l'éloge de la société civile qu'elle encourage à ne pas baisser la garde.
Garibashvili sur un siège éjectable
Malgré le retrait du texte controversé, les jours du gouvernement géorgien sont comptés, écrit l'ancien attaché de presse géorgien en Ukraine, Batcho Kortchilava, sur Gordonua.com :
«Je pense que ce gouvernement aura désormais du mal à rester en fonction. Le premier ministre Garibashvili avait déjà démissionné après avoir ordonné la répression des soulèvements dits de la 'nuit de Gavrilov' [en juin 2015]. Il vient de répéter la même erreur - il a osé se mettre à dos la société et empêcher une manifestation. Je pense que le retrait du projet de loi ne l'aidera pas à se maintenir à son poste.»
Un modèle pour l'Europe
Handelsblatt ne tarit pas d'éloges sur l'action des protestataires :
«Si cette loi a pu être écartée, on ne le doit qu'à la société civile, prête à descendre dans la rue pour faire valoir ses droits à la liberté et son appartenance à l'Europe. Du reste, les manifestants de Tbilissi luttent aussi contre l'influence de la Russie dans le pays, une influence toujours bien réelle. ... Bien que la Géorgie se soit vue refuser le statut de candidat à l'UE l'année dernière, la population agit selon les principes européens. Les citoyens européens devraient tous en prendre de la graine, à l'heure où la liberté de la presse et la liberté d'expression ne vont plus de soi et où le risque d'influence russe est omniprésent. »
L'Occident doit mettre le holà aux tendances autocratiques
Helsingin Sanomat estime que la démocratie est encore en danger en Géorgie :
«Les relations avec la Russie du parti au pouvoir, Rêve géorgien, et de son parrain, l'oligarque Bidzina Ivanishvili, ne sont pas aussi simples que l'opposition veut bien le laisser entendre. Il n'en reste pas moins que malgré leur rhétorique occidentale, les dirigeants cherchent à consolider le régime à parti unique, contrôler les institutions et réduire au silence les médias et les ONG critiques. La loi sur les 'agents étrangers' était l'une des mesures prises dans ce sens. Le retrait du projet de loi ne signifie nullement que le danger soit écarté. L'Occident doit faire tous les efforts possibles pour que la démocratie géorgienne ne se fragilise pas davantage.»
Le maître-mot : ne pas provoquer Moscou
La menace russe est une réalité de la politique géorgienne, rappelle Polityka :
«Le gouvernement de Tbilissi, quel qu'il soit, doit tenir compte du facteur russe et prendre garde de ne pas donner à la Russie de prétexte pour déclencher à nouveau une guerre, comme en 2008. Cette intervention de quelques jours visait les tentatives de la Géorgie d'adhérer à l'OTAN, qui ont effectivement avorté. Une adhésion à l'Alliance est du reste peu probable puisque 20 pour cent du territoire géorgien est occupé par des entités para-étatiques contrôlées par la Russie. ... Les manifestations d'aujourd'hui sont comparées à celle de l'Euromaïdan. La Russie y avait réagi par l'annexion de la Crimée et d'une partie du Donbass.»
La Russie veut créer une constellation d'Etats non libres
Dans un post Telegram repris par Echo, le chroniqueur Maxim Trudolioubov invoque des événements similaires survenus au Kirghizstan, au Kazakhstan et en Azerbaïdjan pour étayer la thèse suivante :
.«Les autorités russes encouragent l'adoption de lois dans la veine de celles prises en Russie dans toutes les régions où elles souhaitent éradiquer l'influence occidentale. ... Ce n'est pas une coïncidence si les lois sur les agents étrangers sont au cœur de cette démarche. Le Kremlin ne fait aucun cas de l'autonomie des individus et des sociétés et pense que par l'intermédiaire d'ONG, les Etats-Unis organisent des révolutions et installent des régimes pro-occidentaux à l'étranger. ... Il s'agit de comprendre les projets d'expansion de la 'matrice russe' dans les pays voisins. Du point de vue du Kremlin, ces pays doivent être privés d'une appartenance à l'OTAN, mais aussi d'une société civile et de médias libres»
Une mesure liberticide
Le gouvernement prend sciemment le risque d'une rupture avec l'UE, fait valoir la journaliste de Dojd, Ekaterina Kodrikadze, dans un post Telegram repris par Ekho :
«Plusieurs ONG et médias indépendants perçoivent les subsides de fondations occidentales et sont tributaires de subventions, ce qui garantit la liberté d'opinion. Les autorités géorgiennes y verront une forme d'espionnage et l'action d''agents étrangers'. Pourtant, l'Etat lui-même pourrait être considéré comme un agent étranger, la Géorgie percevant d'énormes sommes de la part de l'UE et des Etats-Unis. ... Ce projet de loi doit indéniablement permettre de lancer une chasse aux sorcières destinée à rogner les droits et les libertés. A mon sens, il s'agit d'une rupture délibérée avec l'UE.»
Les Géorgiens défendent leur rêve européen
Sur le portail Onenet.pl, l'écrivain Ziemowit Szczerek dresse un parallèle avec le mouvement Maïdan en Ukraine :
«Cette loi forgée sur le modèle russe a provoqué une réaction similaire au refus que le président ukrainien Viktor Ianoukovitch avait jadis opposé à l'intégration européenne - refus qui avait provoqué le mouvement Maïdan et le soulèvement contre la domination russe. Comme les Ukrainiens à l'époque, les Géorgiens redoutent aujourd'hui qu'on leur barre la voie menant à l'UE.»
L'influence de Poutine est palpable
Postimees fait part de ses inquiétudes :
«La loi sur les agents étrangers, qui provoque un tollé en Géorgie, ressemble en tous points à la loi russe éponyme entrée en vigueur en 2012. Une loi qui a marqué le début de la répression totale de la libre pensée et le naufrage définitif de la Russie. Il est étonnant que l'influence de Poutine sur le gouvernement géorgien soit si forte que celui-ci soit prêt à dupliquer les lois répressives du Kremlin. Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'attitude très hésitante du gouvernement géorgien a juré avec celle de la population, qui n'a montré pour sa part aucune ambiguité.»
L'UE est leur seul espoir
El Mundo appelle Bruxelles à s'activer :
«L'ombre du Kremlin plane à nouveau sur la Géorgie, que Poutine avait envahie en 2008 ; il avait alors occupé un cinquième du territoire et allumé la première mèche du baril de poudre qui devait exploser en Ukraine. Un projet de loi qui musèle la presse et les ONG a fait descendre des milliers de Géorgiens dans les rues. ... Leurs aspirations démocratiques et leur rêve d'adhésion à l'UE sont en train de s'évanouir. La Géorgie brandit le drapeau européen tel un feu de détresse et réclame l'aide de Bruxelles, qui a refusé jusque-là d'octroyer le statut de candidat au pays. ... L'UE doit écouter les sirènes avant que l'incendie provoqué par la Russie ne dévaste un autre pays.»