Les jours de May à Downing Street sont-ils comptés ?
Après un nouveau cycle de négociations infructueux, le négociateur de l'UE pour le Brexit, Michel Barnier, a fixé au gouvernement britannique un délai de deux semaines pour qu'il présente des compromis. Un remaniement gouvernemental est la seule issue pour May, estiment certains éditorialistes. D'autres jugent que les Tories traversent simplement une phase turbulente, à l'instar d'autres gouvernements en Europe.
De sombres perspectives pour la Première ministre
Les choses se corsent pour Theresa May, analyse La Vanguardia :
«Plusieurs éléments ont affaibli un peu plus la Première ministre ces derniers jours et mené son gouvernement au bord du chaos. Deux ministres importants ont démissionné, un autre [le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson] a commis une grave erreur, mais personne n'ose le remplacer. Par ailleurs, les négociations sur le Brexit - prévu pour le 29 mars 2019 - sont bloquées par une décision de Bruxelles. Soit Londres s'engage à verser à l'UE un dédommagement concret à une date précise, soit la Grande-Bretagne n'obtiendra aucune promesse concernant l'accord commercial auquel elle aspire. De sombres perspectives pour Theresa May.»
Un remaniement, dernière chance de May
Pour The Daily Telegraph, seule une mesure radicale peut encore sauver la Première ministre :
«Depuis cet été, des députés Tories influents et des cadres du parti pressent Theresa May de procéder à un grand remaniement. Cette mesure lui permettrait de remercier les ministres inefficaces, inadaptés ou en échec ; d'amorcer un nouveau départ. Ses députés seraient alors contraints soit de se ranger derrière la nouvelle équipe de May, soit de se débarrasser d'elle. Dans les deux cas, la situation serait plus claire. May jouerait là son va-tout, mais elle n'a peut-être pas encore compris qu'elle n'a plus grand chose à perdre. »
Pas de quoi s'inquiéter
La politique intérieure britannique est dans un bien meilleur état que ce que l'on pourrait croire, assure le chroniqueur David Goodhart dans Financial Times :
«La viabilité du système politique est indéniable. Il suffit de voir de quelle façon la flexibilité du système britannique, avec ses décisions parlementaires à la majorité qualifiée, a permis d'absorber et de déjouer la pression indépendantiste écossaise - à la différence de ce que l'on a vu en Catalogne. ... Pour ce qui est des Tories, le parti est peut-être fragmenté, mais il n'est pas rare que des gouvernements traversent des périodes turbulentes, exacerbées par des médias en mal de catastrophisme. Regardons ailleurs en Europe : de nombreux gouvernements se trouvent dans un état de crise mineure mais permanente.»
Une démission résoudrait pas mal de problèmes
Au lieu de renvoyer encore plus de ministres, Theresa May ferait mieux de jeter l'éponge, préconise le correspondant en Grande-Bretagne de Handelsblatt, Carsten Volkery :
«Pour surmonter l'épreuve des négociations sur le Brexit, la Grande-Bretagne a besoin de leaders à la fois résolus et charismatiques. Comme cadeau d'adieu, May pourrait confirmer le paiement de l'ardoise du Brexit. Son successeur pourrait alors aborder les pourparlers avec les Européens sur un nouvel accord commercial sous des auspices plus favorables. Le départ de May ne résoudrait pas tous les problèmes. Les négociations sur le Brexit resteraient difficiles, et les désaccords au sein des partis subsisteraient. Mais un nouveau chef des Tories aurait des chances réalistes de remporter des élections anticipées.»
May doit son maintien au pouvoir à Corbyn
Les Tories ne laisseront pas tomber aussi facilement leur Première ministre en difficulté, croit savoir The New Statesman :
«Novembre pourrait-il marquer la fin de May ? N'oublions pas que la Première ministre dispose encore d'un atout majeur, qui n'est autre que Jeremy Corbyn. La peur liée à la perspective d'un gouvernement Corbyn est suffisamment forte dans les rangs conservateurs pour permettre à May d'apporter des changements plus importants qu'elle ne le pense. Par ailleurs, comme tout le monde semble partir du principe que des élections anticipées seraient synonymes de victoire travailliste, personne au sein du Parti conservateur n'est prêt a saborder le gouvernement.»
La position de faiblesse de May bloque les négociations
Si les négociations sur le Brexit sont au point mort actuellement, c'est aussi parce que l'UE est consciente de la faiblesse de May et de son équipe, analyse Hospodářské noviny :
«Les deux camps se préparent maintenant à la variante 'no deal', c'est-à-dire à l'échec des négociations officielles. Une démission de la Première ministre Theresa May provoquerait indéniablement le chaos. Les conservateurs devraient se trouver un nouveau chef de file, amené à devenir ensuite chef du gouvernement. La même opération en somme qui avait porté May au pouvoir après la démission de David Cameron. Tout ceci retarderait clairement les négociations sur le Brexit. En cas d'élections anticipées, le leader du Labour Jeremy Corbyn pourrait même arriver au pouvoir. Si celui-ci a longtemps gardé le silence sur la question du Brexit, il tend aujourd'hui à privilégier le maintien au sein du marché unique.»