Un Brexit sans accord est-il inévitable ?
Selon le calendrier arrêté, la sortie du Royaume-Uni de l'UE se fera dans trois mois. Plus le temps passe, moins les observateurs pensent qu'il sera possible d'empêcher un Brexit sans accord le 31 octobre. Le Premier ministre Boris Johnson veut à tout prix retirer le 'filet de sécurité' de l'accord de sortie négocié, la Commission s'y refuse.
Le spontanéité du populisme est dans l'air du temps
Les députés de différents partis opposés à un Brexit dur veulent empêcher une sortie sans accord par la voie parlementaire, contre la volonté du Premier ministre Boris Johnson s'il le faut. Mais ce ne sera pas facile, analyse The Evening Standard :
«Notre époque préfère une démocratie directe et impatiente. C'est l'époque de Deliveroo, d'Uber et d'Amazon plutôt que celle des procédures parlementaires. Une ère où des applications assouvissent immédiatement le moindre de nos souhaits, plutôt que de recourir à des mécanismes et procédures politiques fastidieux. L'histoire du XXe siècle montre le danger inhérent aux actions de dirigeants se croyant plus habilités à parler au nom du 'peuple' que des assemblées parlementaires. Mais notre époque se caractérise aussi par l'amnésie culturelle, où les douloureuses leçons du passé sont vite effacées de notre mémoire.»
Bluffer jusqu'au bout
Même Johnson ne peut pas sérieusement penser que sa tactique du No Deal peut fonctionner, suppose la correspondante à Londres de Handelsblatt, Kerstin Leitel :
«L'opposition au sein du Parlement est trop forte. Mais s'il l'admettait dès maintenant et cédait, cela lui serait fatal : aux prochaines élections, des multitudes d'électeurs passeraient au Parti du Brexit. Il n'a d'autre choix que de jouer le Brexiteer inflexible s'il veut remporter les élections - si tant est qu'il convoque, en politicien raisonnable, de nouvelles élections. D'ici là, Johnson poursuivra les préparatifs de Brexit sans accord. Ce n'est que le jour où le Parlement l'arrêtera qu'il proposera de demander à Bruxelles un report et convoquera de nouvelles élections.»
Bruxelles a bien fléchi par le passé
Rien ne dit que l'UE ne fera pas un pas vers Londres et qu'elle campera sur ses positions, pense The Daily Telegraph :
«Les affirmations selon lesquelles l'UE ne pourrait enfreindre certains principes sacrés – et souvent définis de façon arbitraire – sont tout simplement incorrectes. Lors de la crise de la zone euro, des fonds de sauvetage financier d'urgence à hauteur de milliards d'euros avaient été convenus en un week-end, en contradiction totale avec l'esprit et la lettre des règles de l'UE : en effet, l'Allemagne n'avait sacrifié son mark qu'à la condition que ce genre de mesures de sauvetage soient interdites par traité. Et dans le chaos de la crise des migrants, certains Etats membres ont tout simplement cessé d'appliquer les prévisions de l'accord de Schengen, qui avait supprimé les contrôles de passeports, contournant ainsi de manière douteuse le droit européen.»
Un Brexit sans accord ne résoudra rien
Les partisans d'une rupture franche avec l'UE se leurrent, prévient The Irish Independent :
«Loin de mettre un point final à cette histoire, un Brexit sans accord appellerait un nouveau cycle de négociations entre le Royaume-Uni et l'UE. L'ensemble du processus insupportable recommencerait depuis le début et le premier thème de l'ordre du jour cauchemardesque serait la question de la frontière avec l'Irlande. Les propos provocateurs du président du Conseil européen Donald Tusk, qui avait parlé d'une 'place spéciale en enfer pour ceux qui ont fait la promotion du Brexit sans avoir de plan pour le réaliser', pourraient bien s'avérer prophétiques.»
Johnson n'a pas l'appui de la population
Un Brexit sans accord serait antidémocratique, estime l'éditorialiste Adelina Marini dans Sega :
«Le Brexit n'est pas seulement une décision historique aux conséquences catastrophiques, c'est aussi un putsch contre la démocratie. … Les partisans du Brexit font pression pour sortir de l'UE, sans même chercher désormais à négocier un accord, au prétexte que c'est la volonté du peuple. Mais les Britanniques ont voté pour une sortie de l'UE avec accord. Sans compter le fait que la position des citoyens britanniques à l'égard du Brexit a considérablement évolué depuis 2016. On peut difficilement prétendre que Boris Johnson et sa clique disposent d'un mandat pour réaliser la sortie de l'UE, et encore moins sans accord.»