Brexit : Johnson cherche la faille
La chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, Emmanuel Macron, espèrent tous deux qu'il sera possible de trouver une solution permettant d'éviter un Brexit sans accord. Macron s'est toutefois montré peu enclin au compromis sur la question du backstop. Eclairage sur une partie de poker décidément compliquée.
Le Premier ministre britannique en fâcheuse posture
The Spectator explique pourquoi un Brexit "no deal" serait la meilleure option pour la stratégie électorale du Premier ministre britannique :
«Le problème est qu'une part importante des électeurs pro-Brexit rejettent catégoriquement toute forme d'accord d'encadrement de la sortie de l'UE. Quand les faiblesses fondamentales de l'accord se révéleront à l'opinion publique au fil du temps, les conservateurs en seront tenus pour les premiers responsables. Les européennes de mai ont montré la grande vulnérabilité des Tories. Ils sont tiraillés entre les Libéraux-démocrates [pro-européens] d'un côté, et le Parti du Brexit de l'autre. Le chef de ce dernier, Nigel Farage, se lécherait les babines à la perspective de telles conditions pour mener campagne. Il y a peu de chance que les choses tournent à la faveur de Boris Johnson.»
La défaite de Johnson et la victoire de Macron
Au printemps, Macron avait empêché un report de la date du Brexit. Les vaines tentatives de Johnson de brandir la menace d'une sortie non négociée sont une victoire pour Macron, écrit Ria Novosti :
«Johnson compte que l'UE cède au dernier moment aux exigences de Londres et se dise prête à renoncer aux conditions déjà arrêtées (et clairement désavantageuses pour la Grande-Bretagne) signées par Theresa May. Or pour l'instant, il a perdu son temps. Il semblerait que la mayonnaise ne prenne pas, car pour au moins un dirigeant européen important, la catastrophe britannique prend la forme d'une victoire personnelle. Et plus l'économie britannique sera en feu, plus le triomphe de Macron sera retentissant.»
Merkel et Macron augmentent la pression
Les rencontres avec la chancelière allemande et le président français ne sauraient être qualifiées de succès pour Johnson, juge De Standaard :
«Trouver une solution n'est pas aussi simple. C'est aussi ce message que Merkel et Macron ont délivré à Johnson. Il ne faut pas qu'il puisse croire que l'UE reviendra sur l'accord de sortie, qui comprend la clause du backstop irlandais. ... Si Johnson parvient à présenter une alternative viable, l'Europe l'examinera. Et le Premier ministre britannique, toujours volontariste, relèvera le défi. ... Mais le scepticisme domine dans les cercles diplomatiques européens. ... L'impatient Macron a par ailleurs souligné que les contours d'une solution devraient être esquissés le plus vite possible.»
La chancelière fait le jeu de Johnson
Angela Merkel a commis un faux pas en disant que l'on pourrait peut-être trouver une solution au backstop en 30 jours, estime pour sa part Der Standard :
«Johnson essaiera de dévoyer cette déclaration pour essayer de faire taire ses adversaires au Parlement, surtout les Tories hésitants : laissez-moi travailler tranquillement jusqu'au 19 septembre, la chancelière l'a demandé. Le Parlement n'aura que deux semaines de séances après les vacances d'été, pendant la première moitié de septembre, avant de repartir dans la nature pour les universités d'été. Dans la seconde moitié d'octobre, il pourrait être trop tard pour déposer une motion de défiance et pour empêcher un no deal. La nouvelle rencontre dans le cadre du G7 à Biarritz, ce week-end, sera pour Merkel l'occasion de rectifier cette interprétation tendancieuse de Johnson.»
L'idée 'science-fiction' du Premier ministre
Pour Deutschlandfunk, les "alternative arrangements" avec lesquels Johnson entend empêcher le backstop ne sont qu'une manœuvre de diversion :
«Il soutient depuis toujours l'existence de cette mystérieuse technique, susceptible de contrôler les cargaisons de poids-lourds qui traversent la frontière irlandaise sans que des postes et des gardes-frontières soient nécessaires. ... Ce serait, effectivement, sensationnel. Car cette technique rendrait superflue la clause du backstop, honnie sur l'île irlandaise. Le hic, c'est que personne n'a jamais pu l'observer ni la mettre à l'épreuve. Pour une simple raison : elle n'existe pas. Aujourd'hui, cette technique relève tout bonnement de la science-fiction, et Boris Johnson le sait très bien. Mais son but n'est pas non plus de parvenir à une solution dans la querelle relative au backstop ; cela fait longtemps qu'il n'en est plus là. Il table sur un Brexit 'no deal' et sur des élections anticipées.»
Le backstop est antidémocratique
The Irish Independent conçoit que la clause du backstop suscite autant de résistance en Grande-Bretagne :
«Si le backstop devait être mis en œuvre sous sa forme actuelle, cela signifierait l'application de nouvelles lois européennes, qui affecteraient de nombreux aspects de la vie quotidienne des habitants d'Irlande du Nord. Ceci se produirait sans que les électeurs du Nord ne puissent envoyer de représentants au Parlement qui promulguent ces lois - le Parlement européen. L'Irlande du Nord quitterait le marché britannique pour rester sur le marché de l'UE, entraînant une perte de souveraineté.»
Merkel est moins butée que Bruxelles
Une leader européenne a enfin concédé qu'il pouvait y avoir des alternatives au backstop, se félicite The Daily Telegraph :
«Angela Merkel ne s'est montrée en aucune manière hautaine. Elle a pris note que le gouvernement britannique désapprouvait le backstop et admis qu'il n'était pas impossible de définir une stratégie alternative ces 30 prochains jours. A cette fin, Johnson doit trouver des propositions viables pour la frontière, ce à quoi Angela Merkel a répondu qu'il était possible de trouver un accord commercial qui soit bénéfique aux deux partis. Son attitude contraste avec le refus catégorique de Bruxelles, au point que les commentateurs qui prennent leurs ordres des bureaucrates de Bruxelles non-élus en ont été désarçonnés, et n'ont pas pu accepter ce qu'ils entendaient.»
Hors de question de céder au chantage
Der Bund exhorte l'UE de ne surtout pas se laisser diviser par Johnson :
«Johnson espère que la menace d'un Brexit sans accord fera voler en éclat le front uni de l'UE et que des gouvernements isolés pousseront Bruxelles à faire des compromis. Il est vrai que certains Etats et certains secteurs auraient plus à perdre que d'autres si des droits de douanes étaient perçus et que des contrôles portuaires semaient le chaos. C'est l'industrie allemande, orientée sur les exportations, qui a le plus de soucis à se faire. Mais pas question de flancher, car ce serait céder au chantage. Et en leur donnant raison, on encouragerait Boris Johnson et les partisans d'un Brexit dur au sein de son parti à essayer d'arracher encore plus de concessions.»