Espagne : une amnistie pour les séparatistes ?
En contrepartie de son soutien à la reconduite d'un gouvernement socialiste en Espagne, Carles Puigdemont, chef de file du parti catalan Junts, réclame une amnistie pour les séparatistes poursuivis en justice. Puigdemont est lui-même sous le coup d'une procédure pour avoir organisé un référendum d'indépendance lorsqu'il était président de la région de Catalogne. Il revendique la reconnaissance des aspirations séparatistes par la politique.
Constitutionnel et constructif
Jordi Juan, rédacteur en chef de La Vanguardia, juge la demande de Puigdemont pragmatique :
«Il veut ouvrir la voie à un accord, ce que nous saluons. C'est pourquoi il a mis entre parenthèses la question d'un nouveau référendum sur l'indépendance pour se concentrer sur l'amnistie. Les conditions qu'ils a présentées hier sont conformes à la constitution. ... Alors que Junts veut être 'payé comptant', Puigdemont propose pour sa part la création d'un 'mécanisme de médiation et de vérification' pour ne pas précipiter les choses, ce qui témoigne de son état d'esprit. Au sein des autres partis de la nouvelle potentielle majorité gouvernementale, on avait le sentiment hier qu'un accord était proche. C'est aussi notre point de vue.»
L'Espagne au bord de l'abîme
Si les revendications des séparatistes étaient prises en considération, cela aurait de lourdes répercussions sur la démocratie, fait valoir Correio da Manhã :
«L'amnistie est négociée en contrepartie de l'abandon du référendum sur l'indépendance. On assiste donc à la formation d'un gouvernement qui fera l'effet d'une formidable lessiveuse. Pendant plusieurs années, aucun autre gouvernement ne le surpassera dans sa capacité à tout blanchir. C'est un motif de réjouissance pour les Catalans et les Basques, qui ne veulent pas faire partie de l'Espagne, mais c'est un coup dur pour la démocratie. ... Sánchez et [la ministre du Travail Yolanda] Diaz franchissent des lignes rouges très dangereuses, qui plongeront l'Espagne dans un abîme moral et juridique. Pas besoin de Vox, visiblement, pour saper le pays et ses institutions.»
Dénoncer les idées séparatistes
El Mundo s'oppose à l'amnistie :
«Les séparatistes sont nos concitoyens et méritent le respect - pas leurs idées. ... Actuellement, leurs idées réactionnaires - ils nous parlent de paradis perdu, ce qui plaît toujours - déterminent l'orientation du futur gouvernement. ... Les électeurs socialistes, qui croient que ce triste jeu en vaut la chandelle, ne sont pas forcément mus par de mauvaises intentions : vu les circonstances complexes, c'est la seule façon pour le gouvernement de pouvoir mettre en œuvre sa politique social-démocrate. ... Mais peut-être comprendront-ils un jour que le pays pâtira beaucoup d'une telle confrontation. Et qu'au sein d'une démocratie, on ne peut gommer des crimes pour réintégrer des criminels - il est préférable de les sanctionner.»